BIENVENUE SUR LE BLOG DE DANEEL !

En 2003 naissait le forum yahoogroupes "CULTURE NET 2013"...
Suivi quelque temps après du "FORUM 2013"...
Lequel, suite à sa pulvérisation par "l'Étoile de la mort" de l'Empire (!), fut remplacé par le forum googlegroupes :





Dans la continuité de ces sites déjà riches de centaines de discussions, d'articles et de dossiers "chauds" tous plus passionnants et édifiants les uns que les autres - :oD -... Voici donc "2013 CONTINUUM" !...


Afin que cette nouvelle année 2022
- et celles qui la suivront (!) -
voie enfin triompher la CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE...
POUR UNE VIE ENFIN PLUS EN HARMONIE AVEC NOTRE TERRE-MÈRE... GAÏA !




MEILLEURES PENSÉES DANEELIENNES !!!





dimanche 25 janvier 2015

Voltaire


Le temps n’est pas si lointain, où dans toutes les écoles françaises, les écoliers avaient la chance d’être initiés à l’esprit des Lumières, par la lecture d’extraits d’un des contes de Voltaire : “Candide”, “Zadig” ou “Micromégas”... 
Les instituteurs avaient l’art d’introduire une réflexion sur la condition humaine, par la critique sociale, religieuse et morale effectuée par Voltaire.

Non seulement l’étude des textes voltairiens est dorénavant rare dans l’enseignement primaire, illustration de la déculturation des petits Français, mais il devient de bon ton d’insister sur les travers - réels et surtout imaginaires - de Voltaire :
- “Esclavagiste”, “Homophobe”, “Antisémite”, “Raciste”...

Pfffff 
Tout est bon de nos jours pour dénigrer et diaboliser les grands hommes !
(Et tous y passent : Gandhi... Le Dalaï-lama... Le Dr. Schweitzer... Pierre Rhabbi... Alexis Carrel, Henri- Charles Geffroy, Voltaire... ainsi d'ailleurs que tous les grands esprits français : Bossuet et même Condorcet et Montesquieu ! :/ ) 

Depuis quelques années en effet plusieurs terribles procès sont faits à cet icône de “l’esprit des Lumières”, Voltaire !

Des accusations à nuancer évidemment très fortement :)

“Ange” ou “démon” ce cher Monsieur de Voltaire ? 
Ni l’un ni l’autre évidemment .... 
Juste un être humain.
Un être humain avec quelques petits défauts bien de son temps ; mais aussi les immenses qualités d’un esprit libre, chantre de la tolérance et de l’anti-fanatisme !

Un fanatisme qui semble resurgir de nos jours, non pas dans de lointaines contrées “djihadhistes”... mais en France, le fameux pays des Lumières, le pays de Voltaire !

A l’ère de la communication mondiale et des “réseaux sociaux”, on aurait pu espérer au moins un peu plus de culture et de sagesse qu’à l’époque de Voltaire ; mais quelle tristesse de constater plutôt une sorte de nivellement par le bas, où s’entremêle allègrement inculture, bêtise, arrogance... et fanatisme moraliste !!!

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=354267001443645&id=100005810439922


Voltaire... sa lumière assombrie ?
(Publié dans "La Lettre de l'Agnvs" de décembre 2014...
Et sur ma page Facebook :D)

“Ange” ou “démon” ce cher Monsieur de Voltaire ?
Ni l’un ni l’autre évidemment ....
Juste un être humain.
Un être humain avec quelques petits défauts bien de son temps ; mais aussi les immenses qualités d’un esprit libre, chantre de la tolérance et de l’anti-fanatisme !
Un fanatisme qui semble resurgir de nos jours, non pas dans de lointaines contrées “djihadhistes”... mais en France, le fameux pays des Lumières, le pays de Voltaire !

A l’ère de la communication mondiale et des “réseaux sociaux”, on aurait pu espérer au moins un peu plus de culture et de sagesse qu’à l’époque de Voltaire...
Mais quelle tristesse de constater plutôt une sorte de nivellement par le bas, où s’entremêle allègrement inculture, bêtise, arrogance... et fanatisme moraliste !!!

Voilà donc la réponse de notre rédac'chef Patrick Cadet-Geffroy (alias "Daneel Olivaw") :

- “Esclavagiste”, “Homophobe”, “Antisémite”, “Raciste”...
Pfffff Tout est bon de nos jours pour dénigrer et diaboliser les grands hommes !
Tous y passent : Gandhi... Le Dalaï-lama... Le Dr. Schweitzer... Pierre Rhabbi... Alexis Carrel, Henri- Charles Geffroy...
Et même notre grand Voltaire !
(Ainsi d'ailleurs que tous les grands esprits français : Bossuet et même Montesquieu ! :/ )

Depuis quelques années en effet plusieurs terribles procès sont faits à cet icône de “l’esprit des Lumières”.
Des accusations à nuancer évidemment très fortement !...

Le temps n’est pas si lointain, où dans toutes les écoles françaises, les écoliers avaient la chance d’être initiés à l’esprit des Lumières, par la lecture d’extraits d’un des contes de Voltaire : “Candide”, “Zadig” ou “Micromégas”...
Les instituteurs avaient l’art d’introduire une réflexion sur la condition humaine, par la critique sociale, religieuse et morale effectuée par Voltaire.

Non seulement l’étude des textes voltairiens est dorénavant rare dans l’enseignement primaire, illustration de la déculturation des petits Français, mais il devient de bon ton d’insister sur les travers - réels et surtout imaginaires - de Voltaire...

Ben non.... Même pour son époque, Voltaire était certes critique, très critique...
Mais pas raciste, ni misogyne, ni homophobe, ni islamophobe, ni ni ni... (!)

Faisons donc un petit tour d’horizon :

Raciste notre bon Voltaire ?

L’accusation repose sur l’affirmation de Voltaire de races entièrement différentes.
Certes, la génétique contemporaine montre l’erreur d’une telle affirmation, puisque l’existence de races n’a aucun fondement scientifique ; pour autant Voltaire ne montre là aucune hiérarchisation des races, fondement véritable du racisme. Il n’observe que “différences entre races” (Étonnant d’y voir là un crime, alors qu’aujourd’hui un culte à toute différence entre les individus ou les cultures est érigé (et à juste titre !))...
Éloges à la différence bienvenues aujourd’hui ... mais les différences évoquées par Voltaire ne seraient- elles pas acceptables ? Rappelons que le terme “race” était à l’époque synonyme de “groupe humain”...
(Et il y a seulement quelques décennies c’était encore le cas !!!)
Tout part en fait de cette affirmation évidemment encore une fois sortie de son contexte global et intentionnel :
« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes »
Depuis quand “différent” est-il une échelle de valeur ?
Faut-il donc être tous identiques pour être égaux ?
Quand au mot “nègre”, il faut quand-même éviter “l’anachronisme”, et se remettre donc ici à l’époque de
Voltaire, en faisant abstraction de la nôtre, qui a connu tant et tant de galvaudage tant de sa langue que de son esprit...
N’oublions pas, par exemple, que la sublime Joséphine Baker est devenue célèbre au début du siècle dernier en se produisant dans une revue qui s’intitulait ... “la revue nègre” ! (Étymologiquement, ce mot est emprunté à l’espagnol « negro » = « noir ; Homme à la peau noire, originaire d’Afrique »)...
Contrairement donc au sens actuel, ce terme n’était pas péjoratif et ne comportait pas alors de connotation raciste !


Misogyne notre bon Voltaire ?

Certes les considérations voltairiennes sont bien approximatives et superficielles, décrivant la femme comme “plus douce”, “moins forte”, “moins musclée”, “moins capable de longs travaux que les hommes”, même s’il ne cache pas qu’il existe des exceptions...
Mais franchement, y voir là “haine” ou “mépris des femmes”, relève du procès d’intention le plus malveillant !


Homophobe notre bon Voltaire ?

Voltaire a-t-il donc dit ou écrit ne pas vouloir que les homosexuels vivent librement leur sexualité ?
Dans le cas contraire il n’est pas homophobe.
D’ailleurs n’a-t-il pas fréquenté Frédéric II de Prusse qui revendiquait son homosexualité...
En fait, Ceux qui l’accusent ainsi “d’homophobie” ne font reposer cette accusation que sur les sensations de dégoût et d’infamie qu’inspiraient certaines pratiques homosexuelles à Voltaire. Les personnes ressentant du dégoût vis-à-vis de ces pratiques homosexuelles doivent-elles alors être forcément considérées comme homophobes ? Éprouver du dégoût à l’idée de manger du chien ne fait pas d’une personne un sinophobe ; éprouver du dégoût à l’idée de manger des grenouilles ne fait pas de vous un francophobe. Les personnes n’ayant pas de pratiques homosexuelles n’ont au minimum aucun goût pour cette pratique, sinon pourquoi ne les effectueraient-elles pas ? Cette absence de goût, pouvant varier de l’indifférence au dégoût, ne peut être considérée comme un marqueur d’homophobie. Le dégoût ressenti par Voltaire lui fait voir l’homosexualité comme une pratique sale, honteuse d’où le terme d’infamie qu’il utilise.

Il ne faut pas confondre le dégoût pour une pratique avec le dégoût généralisé pour une personne effectuant cette pratique ! Par exemple, le dégoût pour la consommation de viande n’est pas du même ordre que le dégoût ressenti vis-à-vis d’un mangeur de viande (!)...


Islamophobe notre bon Voltaire ?

Dans sa pièce “Le fanatisme ou Mahomet” (rédigée en 1736, jouée à Lille puis à Paris en 1741 et 1742), Voltaire juge le Prophète en des termes qui semblent effectivement d’une extrême violence. Au fil des dialogues, Mahomet est appelé “monstre”, “imposteur”, “barbare”, “Arabe insolent”, “brigand”, “traître”, “fourbe”, “cruel”... avec pour finir le verdict sans appel de cet alexandrin :
“Et de tous les tyrans c’est le plus criminel.”
Sur scène, Mahomet ourdit la tentative d’assassinat de son principal rival en manipulant un jeune disciple ; un épisode inventé. Dans une lettre au roi de Prusse, Voltaire parle de Mahomet comme d’un homme “qui égorge les pères” et “ravit les filles”. C'est un “Tartuffe les armes à la main”. Le Coran ? Un “livre inintelligible, qui fait frémir le sens commun à chaque page”...

Voilà donc qui suffirait à ranger notre icône des Lumières dans la catégorie des “islamophobes” ?
Ben non : ANACHRONISME là encore !!!...
Puisque le mot est de notre époque, non de la sienne ! On est loin des discours sur la tolérance, certes... Reste que, comme dans le cas des piques antijudaïques, Voltaire cible en filigrane les fanatiques catholiques : “L’islam n’intéressait personne à l’époque, c’était juste une façon de critiquer la religion catholique par des
voies détournées... et éviter ainsi la tatillonne censure !”
Derrière les affirmations hyperboliques de monstre ou de barbare à l’égard d’un chef qui n’usait après tout, que de pratiques en vigueur dans toutes les contrées de l’époque (Mahomet était alors aux yeux des Occidentaux une sorte de “tyran” et “brigand” qui avait imposé une société musulmane par la force et pratiquait la razzia...), Voltaire visait surtout à dénoncer le fanatisme, en utilisant “l’épouvantail” que représentait alors pour ses contemporains occidentaux l’essor guerrier de l’Empire musulman...

On aurait bien tort de s’en tenir là. Car Voltaire s’adoucira.
Eh oui : plus tard, notamment dans l’“Essai sur les moeurs et l’esprit des nations”, de 1756, il change ses jugements, au point de devenir élogieux envers le monde musulman, de voir en l’islam une religion sage et austère, d’insister sur ses aspects philosophiques et tolérants...
S’attachant davantage au personnage de Mahomet, Voltaire atténuera donc très sérieusement ses critiques envers l’islam, apercevant dans le monothéisme musulman une conception plus rationnelle que celle de la trinité chrétienne (ce qui rejoint davantage la conception déiste de Voltaire)...

Pour autant, il préfère un Confucius à un Mahomet :
« Le premier des mortels qui n’ont point eu de révélation ; il n’emploie que la raison,... et non l’épée » !...

On ne saura oublier que c’est sans doute moins l’islam qui l’intéresse que l’usage qu’il peut en faire contre le catholicisme !!!... Certains expliquent ainsi la plupart des “violences voltairiennes” :
- Ne pensant qu’à “écraser l’infâme” (le fanatisme, incarné alors par l’Église et le clergé), le philosophe ferait feu de tout bois. S’il attaque tant les juifs, c’est pour mieux fustiger un certain fanatisme des chrétiens qui se réclament de l’Ancien Testament... S’il dénonce la violence de Mahomet, c’est en visant celle des chrétiens, et s’il loue la tolérance musulmane, c’est pour mieux dénoncer le fanatisme de la religion chrétienne :
“La plus ridicule, la plus absurde et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde”, écrit-il à Frédéric II de Prusse en 1767 (!)...


Antisémite notre bon Voltaire ?

Certains passages de Voltaire sont aujourd’hui insoutenables, notamment quand il qualifie les Juifs de “peuple le plus abominable de la terre”. Ou quand il raconte que, dans l’Antiquité, c’était un clan de “voleurs vagabonds”, qui “égorgeait sans pitié tous les habitants d’un malheureux petit pays sur lequel il n’avait pas plus de droit qu’il n’en a sur Paris et sur Londres”...

Mais attention de ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme !!!

Comme nous l’avons vu plus tôt avec ces diatribes contre le fanatisme musulman, ces accents “antijudaï- ques” ne doivent pas être interprétés comme de l’antisémitisme.
A travers ces charges outrancières, il vise bel et bien la religion catholique, dont le judaïsme est la source historique. “Il en veut aux juifs d’être à l’origine de ce tissu de mensonges qu’est selon lui la Bible”, explique l’historien Pierre Milza, auteur d’une volumineuse biographie (Voltaire, éditions Perrin).

Pour l’écrivain, les miracles de Moïse, comme ceux de Jésus, sont des fables de charlatan.
Mais à aucun moment il ne justifie les persécutions !
Bien au contraire. Il ne cesse de dénoncer les pogroms, à commencer par la barbarie des croisades, quand 200.000 fanatiques catholiques traversèrent l’Europe, au Moyen Age, en exterminant des juifs !...

“Les chrétiens, croyant venger Dieu, firent main basse sur tous ces malheureux”, déplore Voltaire.
“Il n’y eut jamais, depuis Hadrien, un si grand massacre de cette nation : ils furent égorgés à Verdun, à Spire, à Worms, à Cologne, à Mayence. Et plusieurs se tuèrent eux- mêmes, après avoir fendu le ventre à leur femme, pour ne pas tomber entre les mains de ces barbares.” (!)...

Voltaire n’était donc ni anti-musulman ni anti-juif ni même anti-chrétien... Il n’aimait juste pas les fanatismes religieux, quels qu’ils soient : chrétiens, juifs, musulmans, etc. Voilà qui ne fait guère de doute...

Voltaire ignore bien évidemment l’antisémitisme de persécution raciale, qui apparaîtra une centaine d’années après sa mort avec les doctrines “biologisantes” inventées et développées au cours du XIXe siècle !...


Esclavagiste notre bon Voltaire ?

Face à une telle charge “anti-chrétienne” (en vérité comme nous l’avons vu “anti-fanatisme religieux”)... Voltaire a été aussi accusé de bien d’autres tares et ignominies - afin de le “décrédibiliser” pour se redonner bonne conscience -... comme par exemple d’avoir amassé son immense fortune grâce à la traite négrière ! Infamie qu’il fut pourtant l’un des premiers à dénoncer ouvertement !!!...

En réalité, aucun document ne permet de l’affirmer.
“Il a fait des affaires avec des négociants, lesquels, de leur côté, ont pu faire du commerce lié à l’esclavage, explique Pierre Milza... Mais il n’a jamais, jamais été impliqué directement dans la traite négrière” !...


Il faut souligner la grandeur de Voltaire !!!

S’il repose au Panthéon depuis 1791, ce n’est ni par hasard ni par erreur.
Il est bien le premier - avant Zola, Sartre, Aron et tant d’autres - qui inventa la figure moderne de l’intellectuel, conscience libre au service des idéaux de justice, de tolérance et de liberté.
Avant lui, aucun homme d’idées et de plume n’avait jamais fait rapporter une décision de justice contraire à la dignité et à l’humanité.

L’affaire Calas, l’affaire Sirven, celle du chevalier de La Barre furent pour le philosophe de grandes batailles, de belles victoires.
Voltaire a pris des risques, il a consacré à ces hautes luttes du temps et des forces, sans en attendre aucun profit.

Quand il se lance dans ces combats, l’écrivain a passé la soixantaine, il a fait fortune, assis sa notoriété dans toute l’Europe. Il ne se bat pas pour sa gloire, mais pour des principes universels !...

En 1758 lorsque Voltaire, âgé de 65 ans, acquit la seigneurie de Ferney, il déclara avoir trouvé un “hameau misérable” où il fit construire, suivant de près le chantier, la demeure de ses dernières années...
De cette retraite éloignée, il s’enflamma contre l’injustice de la société et prit la défense des victimes de l’intolérance politique et religieuse.
Investi des principes philosophiques qui ont nourri l’esprit du siècle des Lumières, tour à tour urbaniste, entrepreneur et mécène, il transforma la seigneurie de Ferney : marais asséchés, construction de maisons, pavage des rues, fontaine publique, développement de l’artisanat, construction d’une nouvelle église (!)...

Le hameau de quelques habitants devint, et pour longtemps, une cité prospère d’un millier d’âmes...
Attentif à l’agronomie et mettant en pratique son fameux « il faut cultiver son jardin » (“Candide”)... Voltaire a transformé les terres et les dépendances agricoles du domaine en introduisant les techniques les plus modernes dans l’agriculture.
Il a procédé de même en transformant le bourg, modernisant l’artisanat avec par exemple une manufacture de faïence....

(De 1758 à 1778, Voltaire y développa le modèle d’une cité idéale. Il fit non seulement construire une centaine de maisons, une église, une fontaine... mais créa aussi des foires et des marchés, prêta de l’argent aux communes voisines et subvint même à l’alimentation des habitants pendant la famine de 1771 !...)

Il y menait également une vie sociale intense, recevant l’élite de toute l’Europe et menant ses grands combats pour la liberté comme dans l’affaire Calas...
Ou moins connu son intervention dans l’émancipation des serfs du Haut-Jura de l’abbaye de Saint-Claude...
Il donne des représentations théâtrales au château et reçoit également beaucoup. Son château devint le passage obligé de l’élite intellectuelle européenne...

Ses invités viennent de toute l’Europe des Lumières !...
C’est à Ferney que Voltaire écrivit de nombreuses œuvres comme son “Dictionnaire Philosophique” ou le “Traité sur la Tolérance”... et quelques 6000 lettres !!!
Elle est réelle, et son courage n’est pas une fable.


Et n’oublions pas sa si fameuse citation apocryphe, puisqu’en fait elle provient de l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall, qui en 1906, résumant la pensée de Voltaire (*), écrivit : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ! »...

(*) Elle ne figure certes dans aucun écrit de Voltaire mais on peut la repérer dans cette phrase, extraite d’une de ses si nombreuses lettres, qu’il adressa le 6 février 1770 à l’abbé Le Riche (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963) : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire... »

En fait, mea culpa, cela non plus n'est pas exact (!) ...
On peut lire par exemple dans la page wiki consacrée à Evelyn :
- Dans son « The Friends of Voltaire », Evelyne Beatrice Hall a tenté ainsi de résumer la pensée de Voltaire, notamment au moment de sa prise de position dans l’affaire Helvétius, l’un des philosophes qui contribua à L’Encyclopédie.

Son livre, « De l’Esprit », irrite profondément Voltaire – il qualifie le texte de « fatras d’Helvétius » dans une lettre à de Brosses du 23 septembre 1758, citée par Gerhardt Stenger – mais lui apporte son soutien face aux attaques virulentes dont il est victime après la parution de son ouvrage...
Dans ce contexte, la phrase prêtée à Voltaire n'est donc pas trahir sa pensée ! :)

- Celles et ceux qui ont décerné cette citation à Voltaire, et l’ont copieusement répandue sous son nom (nous dit encore le site du "Projet Voltaire"), se basent sur une lettre datant du 6 février 1770. Voltaire se serait adressé à l’abbé Le Riche en ces termes : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » Si l’existence de cette missive a été avérée, la phrase n’y figure pas, ni même l’idée ! C’est ce qu’on appelle une citation « apocryphe », dont l’authenticité n’est pas établie.

Mais alors, à qui la faute ?
Pas à Rousseau, ni à Voltaire lui-même, comme dans la chanson de Gavroche, mais à l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall qui, dans un livre, The Friends of Voltaire, publié en 1906 sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre, utilisa la célèbre formule pour résumer la pensée voltairienne. Elle confirmera par la suite que c’était sa propre expression et qu’elle n’aurait pas dû être mise entre guillemets. Qu’elle soit due à la maladresse de l’auteur ou de l’éditeur, la citation a été rapidement traduite en français avant de connaître le succès que l’on sait. :)
Si la devise n’est pas de Voltaire, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre sa philosophie, telle qu’elle paraît notamment dans ses Questions sur l’Encyclopédie !...

Et le site "Le guichet du savoir" est encore plus précis :
- Certains commentateurs (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963), prétendent que cette citation est extraite d'une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire écrirait : « Monsieur l'abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » En fait, cette lettre existe mais la phrase n'y figure pas, ni même l'idée. Le Traité de la tolérance auquel est parfois rattaché la citation ne la contient pas non plus.
De fait la citation est absolument apocryphe (elle n'apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l'auteure britannique Evelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire, où, pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l'auteur d'un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait « “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it” was his attitude now » (« “Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu'à la mort votre droit de le dire” était désormais son attitude » .
Les guillemets maladroitement utilisé par Evelyn Hall ont été interprétés comme permettant d'attribuer la déclaration à Voltaire.
En 1935, elle déclara « I did not intend to imply that Voltaire used these words verbatim, and should be much surprised if they are found in any of his works » (« Je n'ai pas eu l'intention de suggérer que Voltaire avait utilisé exactement ces mots, et serais extrêmement suprise qu'ils se trouvassent dans ses œuvres »).

L'affaire à propos de laquelle Evelyn Hall écrivait concernait la publication par Helvétius en 1758 de De l'Esprit, livre condamné par les autorités civiles et religieuses et brulé. Voici ce que Voltaire écrivait (dans l'article « Homme » de Questions sur l'Encyclopédie) :
« J'aimais l'auteur du livre De l'Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n'ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu'il débite avec emphase. J'ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l'ont condamné pour ces vérités mêmes. » "

Nous trouvons bien cette citation dans les pages numérisées du "Dictionnaire philosophique"
Œuvres completes de Voltaire, Volume 41 , édition 1784

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Sources :
 http://lepoint.fr/livres/la-face-cachee-de-voltaire-02-08-2012-1494397_37.php http://m.lexpress.fr/antisemite-islamophobe-esclavagiste-voltaire_909208.html http://www.gralon.net/tourisme/a-visiter/info-chateau-de-voltaire-ferney-voltaire-7939.htm http://www.ain-tourisme.com/decouvrir-l-ain/les-4-pays-de-l-ain/pays-de-gex/ferney-voltaire.html http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Château_de_Ferney-Voltaire http://bibliodroitsanimaux.voila.net/Renan-Larue-Le-vegetarisme-dans-l-oeuvre-de-Voltaire.pdf
http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Evelyn_Beatrice_Hall
http://www.projet-voltaire.fr/blog/actualite/voltaire-na-jamais-dit-je-ne-suis-pas-daccord-avec-vous-mais-je-me-battrai
http://www.guichet-du-savoir.org/viewtopic.php?f=2&t=41546&p=78040&hilit=jamais&sid=6b73fd5fac9811cee6d834603a4503a3)


Bref...
En résumé :
Retenons de Voltaire, quelle que fut sa personnalité réelle ou imaginée (!), son authentique combat pour la tolérance... et contre la cruauté !


N’oublions pas non plus son combat pour le respect de la vie..
De toute vie... y compris animale !
“Qu’y a-t-il de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ?” s’interroge en effet Voltaire en 1772, faisant aussi l’éloge de “cette admirable loi par laquelle il est défendu de manger nos semblables”...



Le philosophe consacre depuis plusieurs années déjà des pages au sort des animaux dans son oeuvre.
A ce propos d’ailleurs...
Nul n’aurait soupçonné Voltaire de se faire le zélateur et théoricien du végétarisme. Ces passages épars n’en constituent pas moins un corpus homogène. Le problème de la responsabilité des hommes dans la souffrance des bêtes rejoint chez lui des préoccupations philosophiques plus larges et plus anciennes, à commencer par le problème du mal.

Dans son livre “Pensées végétariennes” tout récemment publié par Fayard, Renan Larue réunit pour la première fois ses plaidoyers en faveur de la cause animale.
Le premier auteur, en 1981, à consacrer un article à la question du « végétarisme voltairien » est Renato Galliani. Il affirme que Voltaire, au moment de son installation à Ferney, était devenu végétarien par « conviction philosophique » (attribuant à un ouvrage de Porphyre l’origine de cette conversion) :


« Il ne leur manque que la parole :
S’ils l’avaient, oserions-nous les tuer et les manger ?
 Oserions-nous commettre ces fratricides ?
Quel est le barbare qui pourrait faire rôtir un agneau, si cet agneau nous conjurait par un discours attendrissant de n’être point à la fois assassin et anthropophage ?
Il n’est que trop certain que ce carnage dégoûtant, étalé sans cesse dans nos boucheries et dans nos cuisines, ne nous paraît pas un mal, au contraire, nous regardons cette horreur, souvent pestilentielle, comme une bénédiction du Seigneur et nous avons encore des prières dans lesquelles on le remercie de ces meurtres.
Qu’y a-t-il pourtant de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ? »



http://2013-continuum.blogspot.fr/2011/04/le-sommaire-spatio-temporel-de-2013.html

samedi 24 janvier 2015

Qu’est-ce qu’un être humain ?



 

J'ai déjà maintes et maintes fois parlé de l'Œuvre de Bernard Werber, tant ici sur ce blog que sur mes pages Facebook, mes forums "2013", et même mon journal "de l'Agnvs" :) .....

Voici un passage que je viens de découvrir dans celui que je lis actuellement ("les micro-humains").... Moi, j'adore ; ces romans sont de véritables bulles de champagne pour les neurones  ... Ça pétille d'intelligence, de culture... Et d'humanité ! 

"Avoir raison trop tôt, est pire qu'avoir tort !"



- Qu’est-ce qu’un être humain ?

Face au pupitre de marbre de la salle plénière de l’ONU, David Wells s’adresse à l’assistance.
Il est en costume mauve, chemise mauve et cravate mauve à peine plus foncée. Son visage porte encore les marques de brûlures et de blessures reçues lors de la bataille du Puy de Côme. Ses mains sont couvertes de cloques et de cicatrices.
Devant lui, les représentants des 199 nations qui forment l’humanité terrestre. La salle lui semble immense, et tous ces regards fixés sur lui l’intimident.
Le jeune homme laisse un long silence ponctuer sa question, et celle-ci résonne longtemps en échos dans les micros.
- « Qui peut, selon vous, recevoir le titre d’être humain ? » Voilà la question que je pose à chacun d’entre vous personnellement. Dans la Rome antique, les femmes, les esclaves et les étrangers n’avaient pas le statut d’être humain. On pouvait les tuer sans être considéré comme un criminel. Plus tard, au temps des premiers explorateurs, les primitifs africains, les Indiens d’Amérique, les peuples indigènes des forêts n’avaient pas non plus droit à ce qualificatif en deux syllabes : « hu-main ».
Il rajuste sa cravate, fixe l’assemblée, s’efforce de trouver les mots exacts qui expriment sa pensée.
- Longtemps cette dénomination a été sélective. Et puis la famille de l’humanité s’est élargie et l’on a considéré que les femmes, les esclaves et les étrangers (peut-être pas dans cet ordre) étaient des êtres qui avaient leur dignité, et qui méritaient le respect, et l’égalité des chances. Désormais, pour chacun d’entre nous, c’est une évidence. Pourtant, que de morts, que de douleurs, que de combats avant d’en arriver là.
Il inspire pour trouver son rythme, saisit son verre d’eau et l’avale d’un trait. La salle reste à l’écoute.
- En élargissant la famille des êtres humains, ce n’est pas l’homme qui élève des « prétendants au titre », c’est tout simplement l’homme qui s’élève lui-même. Car chaque fois qu’il a accepté de nouveaux pairs, l’humain s’est enrichi de leur différence.
David pose un silence, pour laisser l’idée faire son chemin dans les esprits, puis il reprend.
- Mais à peine a-t-on intégré une nouvelle catégorie que déjà de nouveaux candidats surgissent. Parmi les plus récents : 1) Les clones. Quand on fabrique artificiellement une copie d’humain, un jumeau en tout point biologiquement identique, mérite-t-il l’appellation d’humain ? 2) Les fœtus. À partir de quel moment considère-t-on que les tuer est un crime ? Neuf mois, six mois, trois mois, une heure, trois secondes après la fécondation ? À partir de quel moment une cellule qui se divise peut-elle être considérée comme dotée d’intelligence, de conscience, d’une âme susceptible de lui prodiguer le titre d’humain ?
Une rumeur monte des rangs des pays qui ont voté des lois contre l’avortement.

- 3) Les comateux. Est-ce qu’une personne qui est dans le coma depuis plusieurs années, sans parler ni bouger, maintenue en vie par des perfusions, un cœur ou des poumons artificiels est toujours un être humain ?
Là encore, les représentants des pays qui ont légiféré sur le sujet réagissent.
- 4) Les robots. Est-ce qu’un androïde qui pense exactement comme nous, qui se comporte comme nous, qui a la même éducation que nous (et qui, depuis peu, est capable de prendre conscience de son « moi » et de se reproduire tout seul, comme l’Asimov 002 de mon ami Francis Frydman), est un être humain ?
Cette fois, moqueries et railleries fusent dans la salle.
- Et pourquoi pas les machines à laver et les toasters ? Lance une voix.
Aussitôt quelques rires encouragent le trublion.
David ne se trouble pas.
- Croyez-moi, vous serez confrontés un jour à ce questionnement qui vous
semble pour l’instant du pur délire ou de la science-fiction. Un jour apparaîtront parmi nous des robots fous, des robots amoureux, et peut-être même une sexualité des machines. Je fais confiance à mon collègue le docteur Frydman pour nous mener jusqu’à cette problématique. Alors, au nom de quoi leur rétorquerons-nous : vous n’êtes pas comme nous ? Vous êtes inférieurs ? Vous êtes une sous-espèce uniquement destinée à nous servir et à vous taire ?
Des quolibets fusent de partout. Cette fois, David ne peut plus les ignorer, il attend que le calme revienne.
Il a compris qu’il faut, pour être écouté, ménager de longs silences entre les phrases pour laisser peser les mots.
- Aujourd’hui, je viens vous présenter un nouveau candidat au statut envié d’« être humain ». Ses initiales sont MH, ce qui signifie Micro-Humain. Depuis peu, nous avons pris l’habitude de les nommer par la phonétique de leurs initiales : Emachs. Pour nous, scientifiques, leur nom est HM qui signifie Homo metamorphosis. L’humain métamorphosé, mais l’humain quand même.
À nouveau, quelques personnes manifestent leur réprobation. Le scientifique français poursuit, imperturbable.
- Les Micro-Humains sont en tout point identique à nous. Ils satisfont à la définition des anthropologues : mammifères, position bipède, mains à cinq doigts, pouce opposable, yeux mobiles en position faciale et capables de capter le relief, omnivore, cortex développé capable d’abstraction, et j’ajouterai : hygiène instinctive, capacité à utiliser des outils, à dialoguer et à raisonner.
David, la bouche sèche, boit une gorgée d’eau.
- Un auteur français dont j’ai oublié le nom disait que ce qui différencie les humains des autres animaux, c’est : 1) l’humour, 2) l’amour, 3) l’art. Je pense qu’on peut utiliser cette grille de tests. Ayant vécu avec eux, je peux vous le garantir, les Emachs plaisantent, rient, ont une capacité de second degré et même une forme d’autodérision.
David sent la salle sceptique, alors il précise :
- Actuellement, l’une de leurs sources de plaisanterie, c’est... nous. Tenez, je peux vous raconter une blague emach.
Cette fois la salle est attentive. La meilleure manière de captiver, songe David, reste encore une simple blague. En ménageant ses effets, il articule posément.
- C’est une devinette... « Quel est l’animal qui grandit le plus vite ? Réponse : la femme des Grands. Car le soir, le mâle Grand dit à sa compagne : “Bonne nuit, ma puce”, et le lendemain matin, il lui dit : “Allez debout, grosse vache.” »
Ils sont quelques-uns à sourire. D’autres ont ri nerveusement, pour se donner une contenance, les femmes affichent un certain agacement, mais la salle tout entière s’est détendue.
- Bon, je pense que cette blague vient de l’observation de nos émissions télévisées. Chez eux... la notion de sexisme ou de misogynie n’a pas de sens, étant donné, comme vous le savez, qu’il y a une très grande majorité de femmes.
À nouveau une rumeur parcourt l’assistance. David regrette aussitôt d’avoir rappelé cette différence qui heurte certaines nations à la culture machiste.
- Ensuite l’amour, enchaîne-t-il. Comment constater qu’une espèce est capable de ce sentiment irrationnel qu’on nomme l’amour ? Et avec ce mot je ne parle évidemment pas de l’instinct de reproduction ou de l’assouvissement des pulsions sexuelles, mais d’une émotion abstraite provoquée par un sentiment. Je les ai beaucoup observés : les Emachs aiment leurs enfants, s’aiment entre eux, et peuvent aimer certains Grands. En tout cas, j’ai eu le sentiment en vivant près d’eux que certains m’aimaient. Je vous donne un exemple. J’ai fêté mon anniversaire parmi eux dans les cavernes du Puy de Côme, et ils m’ont offert des cadeaux, non seulement parce qu’ils savaient que c’était notre coutume de Grands, mais pour me faire plaisir, et parce que cela leur faisait plaisir de me faire plaisir. Vous me comprenez ? Leur sensibilité, contrairement à ce qu’on prétend aujourd’hui, les pousse vers l’affection. Le matin, les Emachs s’embrassent. Rien de sexuel là-dedans, c’est seulement de la gentillesse. Les Emachs ont ce que l’on pourrait appeler une parade nuptiale. Même s’il y a peu d’hommes, ils discutent avant de faire l’amour, ils offrent des fleurs, des cadeaux. Pour reprendre l’une de nos expressions : ils « draguent ». Je ne vous cache pas qu’étant en minorité, les garçons sont rarement repoussés.
Cette fois, quelques rires résonnent franchement.
David tend la main vers son verre d’eau, pour marquer un temps et se reconcentrer.
- Et je peux vous dire que les femmes emachs sont très romantiques. Vous m’avez compris, ce ne sont pas des singes qui se reniflent les fesses pour voir si la femelle est en chaleur. Quand ils forment des couples, ils sont jaloux, ils se disputent... comme nous.
Nouveaux rires dans la salle. David mise sur la détente, qui provoque la sympathie.
-Ils ont l’humour, ils ont l’amour, ont-ils une capacité à comprendre et développer l’art ? Eh bien, plutôt qu’un long discours, j’ai apporté ici les plans de la cité troglodytique que les Emachs ont spontanément construite dans la montagne du Puy de Côme, en quelques jours seulement.
Il rajuste sa cravate mauve, saisit une télécommande et déclenche un diaporama. Apparaît à l’écran une vue des habitations creusées dans la roche.
- Examinez bien ces images. Observez ces fenêtres en ogive, ces balcons, ces ponts de ciment, ces arches. La forme de ces pièces est le fruit de la créativité de leurs architectes. Elles ne ressemblent à rien de connu dans notre monde. Elles n’ont pas copié, elles ont inventé leur propre style artistique, et il est unique. Remarquez ici ces gravures. Elles sculptent, gravent, peignent, cisèlent. Ce sont des artistes.
Il fait apparaître le cliché d’un mur sur lequel est peint un homme très grand à côté d’une femme plus petite.
- Ça, c’est de l’art réaliste. Elles ont voulu me représenter. Elles font même de l’art abstrait. Et de la musique.
Il déclenche une vidéo, des Emachs groupées en chorale sont en train de chanter.
Dans les haut-parleurs de la salle de l’ONU résonne une polyphonie de voix très aiguës.
- Ce sont leurs chants. Quand nous étions cachés, elles prenaient le risque de chanter pour souder leur groupe. Écoutez bien, vous entendrez un refrain. C’est un mélange de chants grégoriens, en plus aigu, et de gazouillis d’oiseaux, sur une vraie ligne mélodique. Elles font aussi de la musique. Écoutez.
Une composition harmonieuse retentit dans les haut-parleurs. La salle est attentive.
Avant la fin du morceau, David reprend : 1) L’humour,
2) l’amour,
3) l’art.
Mais nous pourrions aussi évoquer l’existence d’une civilisation complète car elles ont leur propre technologie. Ce que vous voyez sur ces photos, ce sont des appareils qu’elles ont fabriqués de leur propre initiative, avec des mécanismes que je ne comprends pas moi-même. Je pense que nous construisons nos machines en nous inspirant de la nature que nous voyons à notre échelle. Et elles voient à leur échelle d’autres formes et obtiennent donc d’autres sources d’idées.
Il fait défiler un diaporama montrant des champs cultivés.
- Ce sont leurs cultures. Ici, des céréales sauvages que nous n’avons jamais pensé à planter. Elles les nomment « graines à farine ».
Il sent que la salle commence à s’impatienter. Il décide de changer de ton.
- Je vais ajouter un élément qui prouve qu’elles sont bien humaines : elles ont combattu des gendarmes et elles les ont vaincus. C’est peut-être l’argument le plus susceptible de vous convaincre, en tout cas pour l’instant, puisque, dit-on, le facteur déterminant pour juger de la valeur d’un peuple est sa capacité à vaincre par la force.
Quelques voix s’insurgent, une rumeur s’élève.
- Vous avez vu les images en direct de la bataille du Puy de Côme. Non seulement elles ont su fabriquer leurs armes, non seulement elles ont su se défendre, non seulement elles ont su vaincre, mais elles avaient déjà prévu que si leur victoire était meurtrière, il y aurait de la rancœur de votre part. Aussi ont-elles pensé à utiliser des fléchettes soporifiques pour ne pas tuer alors que, je vous le rappelle, face à elles les gendarmes étaient armés de pistolets-mitrailleurs et ne se gênaient pas pour tirer à balles réelles sur tout ce qui bougeait, et ce sans la moindre sommation.
À nouveau, la salle réagit violemment, mais David ne sait plus si c’est positif ou négatif.
- Par ce geste de pure magnanimité, elles ont montré que non seulement elles étaient nos égales en force militaire, mais nos supérieures en respect de la vie. Et après avoir vaincu plus de soixante hommes et femmes commandos dix fois plus grands qu’elles, elles les ont faits prisonniers, les ont soignés et nourris, respectant ainsi les conventions de Genève.
Une rumeur sourde et hostile monte.
- Elles ont fait encore mieux, elles les ont sauvés alors que le volcan menaçait de tuer leurs prisonniers.
La rumeur continue de s’amplifier.
- Je sais, vous n’avez pas eu les images vidéo, pour vous c’est comme si ces scènes n’existaient pas, mais j’ai ici un témoignage écrit et signé du capitaine Malençon, qui relate et reconnaît les faits.
Il exhibe une feuille manuscrite à bout de bras.
- C’est bien Emma 109 qui l’a délivré en passant là où les « Grands » ne pouvaient plus passer. En sauvant au péril de leur vie des êtres censés être leurs ennemis, elles nous ont montré leur capacité de compassion...
Au fond de la salle, un homme se lève et lance :
- C’est vous, docteur Wells, qui leur avez donné des consignes, c’est vous qui étiez leur stratège, c’est vous qui avez été traître à votre espèce et la cause de la défaite des humains face à ces monstres !
- Qui parle ? Vous pouvez vous présenter, s’il vous plaît ?
David essaie de repérer dans l’assistance la source de la voix. Mais les projecteurs l’aveuglent, et il a beau mettre sa main en visière, il ne distingue personne.
- En effet je ne pourrai jamais vous prouver que l’initiative est venue de leur part. Pourtant vous avez ma parole que...
- ILS NAISSENT DANS DES ŒUFS ! DES HUMAINS NE PEUVENT PAS NAÎTRE DANS DES ŒUFS ! Hurle la voix.
- Et pourquoi les humains ne pourraient-ils pas naître dans des œufs, s’il vous plaît, monsieur ?
- Parce que... nous ne sommes pas des oiseaux !
Un brouhaha moqueur monte et sert de soutien au trublion.
- Ils ne peuvent pas être intelligents, lance un autre. Leurs cerveaux sont dix fois
moins volumineux que le nôtre.
- Faux ! En informatique, la miniaturisation augmente la puissance de calcul. On
peut être plus petit et plus intelligent.
- Admettons qu’ils possèdent une forme d’intelligence, ça ne signifie pas qu’ils
possèdent une âme. Je crois que le pape Pie 3.14 vous a éclairé sur le sujet. Il en a fait part à la presse en tout cas...
Nouvelle rumeur de soutien à l’homme qui vient de s’exprimer.
- La notion d’âme est une notion subjective humaine et, que je sache, il n’y a pas encore de « détecteur d’âme » qui se déclenche comme un compteur Geiger, rétorque David.
Quelques rires soulignent la phrase, en provenance de représentants de nations laïques. Toute l’assistance n’est donc pas liguée contre lui, David reprend courage. Mais déjà une autre voix l’interpelle.
- « Vos » Micro-Humains sont pour la plupart des femmes, une espèce féminisée à 90 %, ce n’est pas équilibré, notre humanité est à peu près à 50/50.
David ne se laisse pas démonter.
- Chez les fourmis aussi, il y a 90 % de femelles et 10 % de mâles. Or les fourmis sont sur la Terre depuis 120 millions d’années, et l’homme depuis tout au plus 7 millions d’années. Elles sont donc nos aînées et leurs choix sont issus d’une histoire bien plus ancienne. En les prenant pour repères, nous voyons vers quoi nous allons probablement évoluer. Elles étaient à 50 % de mâles il y a longtemps, elles sont passées à 10 % aujourd’hui. C’est le sens de l’évolution des espèces civilisées.
- Les fourmis ne sont pas civilisées ! s’exclame la première voix du fond de la salle.
- Les fourmis construisent des villes de plus de 50 millions d’habitants. Elles ont une agriculture et cultivent des champignons. Elles pratiquent l’élevage des pucerons qu’elles traient comme nous trayons nos vaches. Elles utilisent des outils pour tisser des feuilles. Elles font la guerre, elles nouent des alliances avec d’autres espèces. Si bien qu’elles ont traversé les océans, occupent tous les continents et bâtissent leurs cités dans tous les milieux. Actuellement elles sont cent fois plus nombreuses que nous, et si un extraterrestre venait nous rendre visite, il aurait plus de chances de tomber sur des fourmis que sur des hommes pour représenter l’espèce terrienne.
Cette fois, la salle est silencieuse.
- Vous voulez que nous prenions exemple sur les fourmis ? Ricane la première voix.
David comprend qu’il s’est laissé emporter par son enthousiasme, cependant il n’ose faire machine arrière.
- Pourquoi pas ? Elles ont en tout cas une meilleure communication et une plus grande solidarité que bien des humains.
- Dans ce cas, puisqu’elles ont tout ça, pourquoi ne pas réclamer aussi le statut d’humains pour « vos » fourmis tant qu’on y est ! Lance la même voix narquoise.
L’ensemble de la salle réagit par une franche rigolade.
David sent qu’il perd pied.
Quel imbécile j’ai été. Maintenant ils vont faire l’amalgame Emach = fourmi, et ils
ont un prétexte supplémentaire pour rejeter ma proposition en bloc. S’ils ne sont pas capables d’estimer des humanoïdes de 17 centimètres, ils sont encore moins capables d’estimer des êtres de quelques millimètres pourvus de pattes et d’antennes. Je ne me suis pas rendu compte à qui je parlais. Ce ne sont pas des scientifiques, pas même des esprits curieux, ce sont des politiques, toute leur réflexion n’est tournée que vers leur pouvoir personnel. Que faire ? Tant pis, je n’ai plus le choix, il faut continuer.
Il boit rapidement une gorgée d’eau et reprend :
- Les fourmis ont, comme je vous l’ai dit, 113 millions d’années d’avance sur nous. La chose devrait nous inspirer le respect plutôt que le mépris, ne croyez-vous pas ? C’est une « espèce aînée » issue du passé le plus profond et qui nous montre comment nous pourrions évoluer dans l’avenir. Ce ne sont pas des humains, mais ce sont des êtres « terriens ».
Après quelques moqueries dans des langues qu’il ne comprend pas, certains représentants le sifflent et le huent.
Il attend que la salle portée à ébullition se calme, puis :
- À moins que vous ne soyez à ce point limités dans votre conscience, pour ne juger les êtres que sur leur apparence physique, a fortiori sur leur taille.
Les sifflets et les quolibets résonnent maintenant dans toute la salle.
Je m’enfonce. Mais je ne vais pas renoncer.
- Mes Micro-Humains sont peut-être l’intermédiaire entre « l’humain grand et égoïste » et « la fourmi petite et solidaire ».
À cet instant, l’éclairage change et le fond de la salle s’illumine. L’homme qui l’avait interpellé en premier lieu se révèle être le représentant de l’Autriche. Il pointe sur lui un doigt accusateur.
- À ce détail près, clame-t-il, que vos intermédiaires entre l’humain et la fourmi n’ont rien de naturel et qu’elles ont été fabriquées dans des éprouvettes ! Comme n’importe quel gadget ou n’importe quel produit chimique.
- Voilà enfin le vrai reproche. Vous les dénigrez parce qu’elles sont « nos » créatures. Ce qui démontre l’estime que nous avons pour nous-mêmes et pour ce qui est issu de notre imagination et de notre travail.
- Vous êtes, docteur Wells, un nouveau docteur Frankenstein !
Le brouhaha se divise, des camps s’opposent.
La présidente Avinashi Singh est obligée de frapper du maillet pour obtenir le
silence.
- Laissez parler notre intervenant jusqu’au bout s’il vous plaît, je vous en prie !
Le silence revient progressivement.
- Vous pouvez poursuivre, docteur Wells.
-Ce que je vous demande aujourd’hui, c’est de réfléchir à notre avenir.
Actuellement, la réflexion a été remplacée par le réflexe. Et celui-ci est toujours motivé par la même chose : la peur. Surmontez votre appréhension de l’inconnu, de la nouveauté, de la modernité, de l’évolution. Les générations futures se rappelleront forcément ce vote et vous jugeront. Si vous ne saisissez pas l’opportunité unique que je vous offre, vous passerez auprès de vos enfants et de vos petits-enfants pour des gens aussi rétrogrades que ceux qui jadis refusèrent de reconnaître l’humanité des esclaves, des étrangers et des femmes.
Les insultes et les invectives fusent en toutes langues, qu’il ne comprend pas. Il essaie de se recentrer.
Je dois délivrer le message jusqu’au bout quoi qu’il arrive. Au nom de l’œuvre commencée par mon arrière-grand-père et poursuivie par mon père. Pour les générations futures. Pour l’avenir des Micro-Humains.
Ne pas baisser les bras et prononcer les mots prévus.
La présidente Avinashi Singh, à grands coups de maillet, réclame le silence. David se penche vers le micro.
- Aussi suis-je venu vous demander officiellement de changer votre vision sur ce
que l’on appelle pour l’instant des « Micro-Humains » mais que nous pourrions appeler nos congénères. Je viens vous demander de voter pour qu’ils soient non seulement reconnus comme des humains à part entière, mais aussi pour leur droit à vivre dans un État indépendant protégé de tous ceux qui voudraient abuser d’eux. Je vous propose de voter pour l’émergence d’un 200e État, une vraie patrie pour les Micro-Humains, une patrie-sanctuaire, où personne ne pourrait plus aller les maltraiter. Deux cents nations, cela ferait désormais un chiffre rond.
Il inspire amplement, le cœur battant.
- Du haut de cette noble assemblée des représentants des nations de notre planète, je ne dis pas : « Les civilisations passées nous contemplent », mais : « Les générations futures nous jugeront. » Ne les décevez pas. Soyez en avance d’une mentalité sur celle de vos ancêtres. Nous n’avons pas de comptes à rendre à nos parents, mais à nos enfants.
La présidente de l’ONU, Avinashi Singh, lui fait un signe, afin qu’il achève son discours.
- ... Je vous remercie pour votre attention, déclare-t-il, ne sachant comment terminer autrement.
Il n’y a pas d’applaudissements, mais des rumeurs partent de toutes les directions de la salle.
La présidente demande à nouveau le calme.
- Nous allons donc procéder au vote. Qui est d’accord pour que les Emachs soient considérés comme des humains et aient droit à un État indépendant, qui serait donc le 200e de l’ONU ? Par ordre alphabétique :
- Albanie ? - Non.
- Arménie ? - Oui.
- Azerbaïdjan ? - Non.
- Bengladesh ? - Non.
- Birmanie ?
- Non.
- Burkina Faso ?
- Non.
- Cameroun ?
- Non.
L’appel des 199 États se poursuit. Puis la présidente fait le compte et annonce :
- Sur 199 pays, nous avons donc 183 votes « non ». Six votes « oui » (Arménie,
Corée du Sud, Danemark, Israël, Pérou, Sud-Soudan). Dix votes d’abstention (Angleterre, Arabie Saoudite, Australie, Bulgarie, France, Hollande, Maroc, Thaïlande, États-Unis). La proposition de reconnaissance du statut d’humain aux Micro-Humains est donc rejetée. Nous passons au débat suivant, sur les incidents survenus à la frontière de la Thaïlande et de la Malaisie, incidents qui ont fait une dizaine de morts et une centaine de bless...
- Je voudrais dire encore quelque chose, madame la présidente, insiste Wells.
- Non, désolée, docteur Wells, votre temps de parole est terminé, veuillez rejoindre votre fauteuil.
Alors, complètement résigné et un peu abasourdi, le scientifique descend de l’estrade et va s’affaler, vaincu, dans son coin. ....

:'(

(Pour le droit des animaux, c'est pas gagné non plus .... Que mes congénères sont cons quand-même :( ... Et génèrent bien des conneries ;) )

Et Bernard Werber de continuer avec un résumé de la si édifiante histoire de Semmelweis  (c'est le chapitre 92 :) ) :